lundi 22 novembre 2010

Le passé hante d'anciens Khmers rouges au musée du génocide

Le passé hante d'anciens Khmers rouges au musée du génocide

De Suy SE (AFP) – Il y a 1 jour

PHNOM PENH — Tomber sur une photo de son jumeau mort il y a plus de 30 ans était la dernière chose à laquelle Uch Sokhon s'attendait en visitant pour la première fois avec d'autres anciens combattants khmers rouges la sinistre prison de Tuol Sleng où des milliers de Cambodgiens ont été tués.

"Je suis sous le choc", explique cet homme de 53 ans, en dépoussiérant doucement le cadre de la photo en noir et blanc de son frère, immortalisé à l'âge de 20 ans". "Mais c'était il y a longtemps."
Cette image est l'une des centaines de photos d'identité judiciaire des prisonniers de la prison de Tuol Sleng, à Phnom Penh, aujourd'hui transformée en musée du génocide. Quelque 15.000 personnes y ont été torturées et exécutées entre 1975 et 1979.
Sokhon et quelque 300 autres, principalement d'anciens partisans ou combattants khmers rouges, sont venus de la province de Pailin, bastion des Khmers rouges au nord-ouest du Cambodge, où soldats et responsables s'étaient regroupés pour tenter de reprendre le pouvoir après le renversement du régime par les forces vietnamiennes en 1979.
Le tribunal international parrainé par l'ONU, créé pour juger les responsables khmers rouges, a organisé cette visite à Tuol Sleng pour que les Cambodgiens comprennent mieux son travail.
"Nous pensons qu'il est plus facile pour les gens de comprendre la mission du tribunal quand ils voient Tuol Sleng et le tribunal de leurs propres yeux", explique Lars Olsen, un des porte-parole du tribunal, persuadé que confronter d'anciens soldats à cette prison est une des clés pour tourner la page.
Lors de son premier procès, le tribunal a condamné en juillet, "Douch", chef de la prison de Tuol Sleng, à 30 ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
En traversant les minuscules cellules où étaient gardés les prisonniers, peut-être son propre frère, et en regardant les instruments de torture, Sokhon regrette ses actions passées.
"Je me sens plein de regrets parce que j'ai aussi été un combattant pour le Kampuchéa démocratique" (nom du Cambodge sous les Khmers rouges), souligne-t-il.
Avec Sokhan, son vrai jumeau, il avait rejoint le mouvement communiste en 1971, à peine âgé de 15 ans, parce que c'était le seul moyen de survivre.
Combattants dévoués, les deux frères avaient grimpé un peu sur l'échelle de commandement. Mais le régime s'était ensuite retourné contre Sokhan quand il avait tenté d'aider un proche qui avait causé un accident sans gravité en février 1976.
"J'ai prévenu mon frère de ne pas aider notre cousin, ou il pourrait perdre son poste et être arrêté (...). Mais il a dit qu'il devait l'aider". Quelques jours plus tard, le jumeau était arrêté. "Je savais qu'il avait été envoyé à Tuol Sleng".
Malgré tout, Sokhon a continué à se battre aux côtés des Khmers rouges, même après qu'ils aient été chassés de Phnom Penh en 1979. Il a même perdu un oeil en 1989 lors d'un combat contre les forces gouvernementales.
Il s'est finalement rallié au gouvernement en 1996, en même temps que le chef de la diplomatie du régime, Ieng Sary, qui doit être jugé bientôt par le tribunal avec trois autres responsables. Deux ans après, la guerre civile était terminée.
"Maintenant, je hais ce régime. Je suis content que les dirigeants soient jugés", assure Sokhon, pour qui désormais la page est tournée.
"Je ne veux pas me souvenir. Je veux que ça s'arrête ici. Mais ça ne veut pas dire que je soutiens encore les Khmers rouges".
Environ deux millions de Cambodgiens, soit un quart de la population, sont morts sous la torture, d'épuisement ou de malnutrition pendant le régime des Khmers rouges.


http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5gu-aGbK6QohcVeX8Zs1KkZaDm3lQ?docId=CNG.2ed8fd7b007a8046b26934af9f254794.471